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Convention d’extradition entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République française
F101343 - RTC 1989 No 38
Le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République française, convaincus de la nécessité de renforcer la coopération entre les deux États dans la lutte contre la criminalité, dans le respect mutuel de leurs institutions judiciaires, en signant une convention d’extradition des personnes poursuivies ou condamnées, sont convenus des dispositions suivantes :
Article 1
OBLIGATION D’EXTRADER
- Les deux États contractants s’engagent à se livrer réciproquement, selon les dispositions de la présente convention, toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l’un des deux États, est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d’imposition ou d’exécution d’une peine par les autorités de l’autre État.
- Les dispositions de la présente Convention n’affectent pas les obligations que chacun des États contractants assume en vertu d’accords multilatéraux auxquels il est partie.
Article 2
FAITS DONNANT LIEU À L’EXTRADITION
- L’extradition est accordée pour le ou les faits qui, aux termes des législations des deux États, constituent des crimes ou des délits punis d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans. En outre, lorsqu’une peine a été prononcée par les tribunaux de l’État requérant, la peine prononcée et restant à exécuter doit être d’au moins six mois.
- Si la demande d’extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par les lois des deux États, mais dont certains ne remplissent pas les conditions prévues par le paragraphe 1 du présent article, l’État requis pourra également accorder l’extradition pour ces faits.
Article 3
EXTRADITION DES NATIONAUX
- L’État requis n’est pas tenu d’extrader ses propres nationaux, la qualité de national étant appréciée à la date de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée.
- Si la demande d’extradition est refusée uniquement parce que la personne réclamée a la nationalité de l’État requis, celui-ci doit, sur la demande de l’État requérant, soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale. A cette fin, les dossiers, documents et pièces à conviction ayant trait à l’infraction sont transmis à l’État requis. Celui-ci informe l’État requérant de la suite réservée à sa demande.
Article 4
CAS DE REFUS OBLIGATOIRE D’EXTRADITION
L’extradition ne sera pas accordée :
- lorsque l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par l’État requis comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction;
- lorsque l’État requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques, ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons;
- lorsque l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée consiste uniquement dans la violation d’obligations militaires;
- lorsque la personne réclamée a fait l’objet d’un jugement définitif de condamnation ou d’acquittement dans l’État requis pour l’infraction ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée;
- lorsque la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la législation de l’État requis.
Article 5
CAS DE REFUS FACULTATIF D’EXTRADITION
L’extradition pourra être refusée :
- si la personne réclamée fait l’objet de la part de l’État requis de poursuites pour l’infraction à raison de laquelle l’extradition est demandée ou si les autorités compétentes de l’État requis ont, selon les procédures conformes à la législation de cet État, décidé de ne pas exercer de poursuites ou de mettre fin à celles qu’elles ont engagées;
- si la personne réclamée a fait l’objet d’un jugement définitif de condamnation ou d’acquittement dans un État tiers pour l’infraction ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée;
- si l’infraction à raison de laquelle l’extradition est demandée est une infraction fiscale. Aux fins du présent paragraphe, on entend par “infraction fiscale” toute infraction en matière d’impôts, de taxes, de douane ou de change.
Article 6
LIEU DE PERPÉTRATION
- L’extradition pourra être refusée si, conformément au droit de l’État requis, l’infraction pour laquelle la personne est réclamée a été commise en tout ou en partie sur le territoire de l’État requis ou en tout autre lieu soumis à la compétence juridictionnelle de cet État.
- L’extradition ne pourra être refusée, lorsque l’infraction a été commise hors du territoire de l’État requérant, que si la législation de l’État requis n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire dans des circonstances de droit analogues.
Article 7
PEINE CAPITALE
Lorsque l’infraction à raison de laquelle l’extradition est demandée est punie de la peine capitale par la législation de l’État requérant et lorsque la peine capitale n’est pas prévue par la législation de l’État requis pour une telle infraction ou n’y est généralement pas exécutée, l’extradition pourra être refusée à moins que l’État requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l’État requis, que la peine capitale ne sera pas exécutée.
Article 8
CONSIDÉRATIONS HUMANITAIRES
La présente Convention ne fait pas obstacle à ce qu’un des deux États contractants puisse refuser l’extradition pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.
Article 9
ACHEMINEMENT DE LA DEMANDE D’EXTRADITION
La demande d’extradition formulée par écrit et toute correspondance ultérieure sont transmises par la voie diplomatique.
Article 10
PIÈCES À PRODUIRE
Sont produits à l’appui de la demande d’extradition,
- Dans tous les cas :
- tous les renseignements disponibles sur le signalement, l’identité, la nationalité et, si possible, la localisation de la personne réclamée;
- un exposé par un magistrat ou un fonctionnaire public des faits pour lesquels l’extradition est demandée, indiquant la date et le lieu de leur perpétration, ainsi que leur qualification légale et les dispositions légales qui leur sont applicables dont le texte sera annexé.
- Lorsqu’il s’agit d’une personne poursuivie ou accusée :
- l’original ou une copie certifiée conforme du mandat d’arrêt ou de tout acte ayant la même force, délivré dans l’État requérant;
- dans le cas ou la loi de l’État requis l’exige, des éléments de preuve qui justifieraient le “renvoi à procès” de la personne réclamée et établissent son identité;
- aux termes de l’alinéa précédent, sont reçus en preuve et font foi de leur contenu les originaux ou copies certifiées conformes, qu’il aient été recueillis en France ou en tout autre lieu, des pièces, déclarations, dépositions, procès-verbaux, rapports, constats, annexes ou tout autre document, si un juge d’instruction certifie qu’ils ont été obtenus conformément à la loi française et qu’ils figurent au dossier d’instruction sur la base duquel à été décerné le mandat d’arrêt.
- Lorsqu’il s’agit d’une personne condamnée contradictoirement à une peine privative de liberté :
- l’original ou une copie certifiée conforme de la décision de condamnation exécutoire;
- si une partie de la peine a déjà été exécutée, un document émanant d’un magistrat ou d’un fonctionnaire public, précisant le reliquat de peine à exécuter.
- Lorsque la personne réclamée a été reconnue coupable au Canada mais qu’aucune peine n’a été prononcée, l’original ou une copie certifiée conforme du mandat d’arrêt et d’un document judiciaire établissant que la personne a été déclarée coupable et qu’une peine doit être prononcée.
- Lorsqu’il s’agit d’une personne condamnée par contumace ou par défaut :
- l’original ou une copie certifiée conforme du mandat d’arrêt ou tout acte ayant la même force, décerné dans l’État requérant;
- l’original ou une copie certifiée conforme de la décision de condamnation par contumace ou par défaut;
- dans le cas où la loi de l’État requis l’exige, des éléments de preuve prévus au paragraphe 2 b) du présent article, qui justifieraient le “renvoi à procès” de la personne réclamée et établissent son identité.
- Tous les documents présentés à l’appui d’une demande d’extradition apparaissant émaner d’une autorité judiciaire de l’État requérant ou faites sous son autorité sont admis dans les procédures d’extradition dans l’État requis sans qu’ils soient établis sous serment ou affirmation solennelle et sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité du signataire.
Article 11
AUTHENTIFICATION
Toutes les pièces présentées à l’appui d’une demande d’extradition sont admises dans les procédures d’extradition si elles sont transmises en liasse, sous le sceau d’un ministère ou d’un ministre de l’État requérant, sans qu’il soit nécessaire de prouver le caractère officiel du sceau.
Article 12
COMPLÉMENT D’INFORMATIONS
Si les informations communiquées par l’État requérant se révèlent insuffisantes pour permettre à l’État requis de prendre une décision en application de la présente convention, ce dernier demandera un complément d’informations et pourra fixer un délai pour son obtention.
Article 13
ARRESTATION PROVISOIRE
- En cas d’urgence, les autorités compétentes de l’État requérant peuvent demander l’arrestation provisoire de la personne réclamée, soit par la voie diplomatique, soit directement par la voie postale ou télégraphique, soit par l’entremise de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite. Cette demande d’arrestation provisoire doit être suivie dans les meilleurs délais d’une demande d’extradition par la voie diplomatique, si la personne réclamée se trouve dans l’État requis.
- La demande d’arrestation provisoire comprend :
- tous les renseignements disponibles quant au signalement, à l’identité et à la nationalité de la personne réclamée;
- une déclaration de l’intention de demander l’extradition;
- la mention de l’infraction, ainsi que la date, le lieu et les circonstances de sa commission;
- soit une copie du mandat d’arrêt, du jugement de condamnation exécutoire ou, le cas échéant, de la déclaration de culpabilité de la personne réclamée, soit une déclaration attestant qu’un tel mandat, jugement ou déclaration a été délivré dans l’État requérant.
- Si la demande paraît régulière, il y est donné suite par les autorités compétentes de l’État requis, conformément à la loi de ce dernier. L’État requis informe sans délai l’État requérant de la suite donnée à la demande d’arrestation provisoire.
- L’arrestation provisoire devra prendre fin si, dans le délai de quarante-cinq (45) jours après l’arrestation, l’État requis n’a pas été saisi de la demande d’extradition et des pièces mentionnées à l’article 10. Toutefois, la mise en liberté provisoire de la personne réclamée est possible à tout moment, sauf pour l’État requis à prendre toute mesure qu’il estimera nécessaire en vue d’éviter la fuite de cette personne.
- La mise en liberté à l’expiration du délai de quarante-cinq (45) jours ne fait pas obstacle à une nouvelle arrestation et à l’extradition si la demande d’extradition parvient ultérieurement.
Article 14
CONCOURS DE REQUÊTES
- Si l’extradition de la même personne est demandée par deux ou plusieurs États, l’État requis détermine vers lequel de ces États la personne doit être extradée et informe l’État requérant de sa décision.
- Pour déterminer vers quel État la personne doit être extradée, l’État requis tient compte de toutes circonstances et notamment :
- de la gravité relative des infractions;
- des date et lieu des infractions;
- des dates respectives des demandes;
- de la nationalité de la personne réclamée;
- du lieu de résidence habituel de celle-ci.
Article 15
REMISE
- L’État requis fera connaître à l’État requérant sa décision sur l’extradition.
- Tout rejet complet ou partiel sera motivé.
- En cas d’acceptation, l’État requérant sera informé du lieu et de la date de remise, ainsi que de la durée de la détention subie par la personne réclamée en vue de son extradition.
- En cas de force majeure empêchant la remise ou la réception de la personne réclamée, les deux États se mettront d’accord sur une nouvelle date de remise.
- Si la personne réclamée n’a pas été prise en charge à la date fixée, elle pourra être remise en liberté à l’expiration d’un délai de quinze (15) jours à compter de cette date et elle sera en tout cas mise en liberté à l’expiration d’un délai de trente (30) jours. La personne mise en liberté ne pourra plus être réclamée pour les mêmes faits.
Article 16
AJOURNEMENT DE LA REMISE
L’État requis peut, en informant l’État requérant de sa décision, ajourner la remise de la personne réclamée, afin de la poursuivre en justice ou de lui faire purger une peine pour une infraction autre que celle faisant l’objet de la demande d’extradition.
Article 17
REMISE D’OBJETS
- A la demande de l’État requérant, l’État requis saisira et remettra dans la mesure permise par sa législation, les objets :
- qui peuvent servir de pièces à conviction ou
- qui, provenant de l’infraction, auraient été trouvés au moment de l’arrestation en la possession de la personne réclamée ou seraient découverts ultérieurement.
- La remise des objets visés au paragraphe 1 du présent article sera effectuée même dans le cas où l’extradition déjà accordée ne pourrait avoir lieu par suite de la mort ou de l’évasion de la personne réclamée.
- Lorsque lesdits objets seront susceptibles de saisie ou de confiscation sur le territoire de l’État requis, ce dernier pourra, aux fins d’une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution.
- Sont toutefois réservés les droits que l’État requis ou des tiers auraient acquis sur ces objets. Si de tels droits existent, les objets seront, le procès terminé, restitués le plus tôt possible et sans frais à l’État requis.
Article 18
RÈGLE DE LA SPÉCIALITÉ
- La personne qui aura été remise ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, ni soumise à toute restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l’extradition, sauf dans les cas suivants :
- lorsque l’État qui l’a remise y consent. Une demande sera présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues à l’article 10 et d’un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l’extradé. Ce consentement ne pourra être accordé que lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé est de nature à donner lieu à extradition aux termes de la présente Convention;
- lorsqu’ayant eu la possibilité de le faire, la personne extradée n’a pas quitté dans les soixante (60) jours qui suivent son élargissement définitif le territoire de l’État auquel elle a été remise ou si elle y est retournée après l’avoir quitté.
- Toutefois l’État requérant pourra prendre les mesures nécessaires en vue, d’une part, d’un renvoi éventuel du territoire, d’autre part, d’une interruption de la prescription conformément à sa législation.
- Lorsque la qualification légale d’une infraction pour laquelle une personne a été extradée est modifiée, cette personne ne sera poursuivie ou jugée que si l’infraction nouvellement qualifiée :
- peut donner lieu à extradition en vertu de la présente convention et
- vise les mêmes faits que l’infraction pour laquelle l’extradition a été accordée.
Article 19
RÉEXTRADITION VERS UN ÉTAT TIERS
L’État contractant à qui une personne a été remise en vertu de la présente Convention ne peut la remettre à un État tiers sans le consentement de l’autre État, sauf dans les cas visés à l’article 18,1, b). L’État requis pourra exiger la production des pièces prévues à l’article 10.
Article 20
TRANSIT
Le transit d’une personne remise par un État tiers à l’un des deux États contractants à travers le territoire de l’autre est accordé sur demande, sous réserve de la législation de ce dernier et des cas de refus d’extradition prévus par la présente Convention.
La demande est formée par la voie diplomatique et accompagnée des documents visés à l’article 10 si l’État requis du transit en exige la production.
Article 21
DROIT APPLICABLE
Sauf disposition contraire de la présente Convention, les procédures relatives à l’arrestation et à l’extradition sont régies par les lois de l’État requis.
Article 22
LANGUES
Tous les documents produits par chaque État contractant conformément à la présente Convention peuvent être établis indifféremment en langue française ou anglaise.
Article 23
FRAIS
A l’exclusion des frais de transfèrement et des frais occasionnés par le transit, lesquels incombent à l’État requérant, les frais résultant de l’extradition demeurent à la charge de l’État sur le territoire duquel ces frais ont été engagés.
Article 24
CONDUITE DE LA PROCÉDURE
- Dans le cas d’une demande d’extradition présentée par la France, le Procureur général du Canada exerce la conduite de la procédure d’extradition.
- Dans le cas d’une demande d’extradition présentée par le Canada, les autorités françaises compétentes exercent la conduite de la procédure d’extradition, conformément à leur législation.
Article 25
ENTRÉE EN VIGUEUR
- Dès son entrée en vigueur, la présente Convention remplace et abroge, dans les relations entre les États Contractants, le Traité entre la Grande-Bretagne et la France pour la restitution mutuelle des criminels en fuite signé à Paris le 14 août 1876, modifié par les conventions signées à Paris le 13 février 1896 et le 17 octobre 1908; toutefois, toute demande d’extradition présentée antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente convention demeure régie par les dispositions du traité entre la France et la Grande-Bretagne tel qu’amendé.
- Pour toute demande présentée après l’entrée en vigueur de la présente Convention, l’extradition est accordée conformément à ses dispositions même si l’infraction à raison de laquelle l’extradition a été demandée a été commise avant son entrée en vigueur.
- La demande est réputée présentée au sens des paragraphes 1 et 2 du présent article, à la date de la réception de la note diplomatique demandant l’extradition par le ministère des Affaires étrangères pour la France et par le ministère des Affaires extérieures pour le Canada.
Article 26
RATIFICATION OU APPROBATION
- Chacun des deux États contractants notifiera à l’autre l’accomplissement des procédures requises pour l’entrée en vigueur de la présente Convention.
- La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.
- Chacun des deux États contractants pourra à tout moment dénoncer la présente Convention en adressant à l’autre, par la voie diplomatique, une notification de dénonciation. La dénonciation prendra effet un an après la date de réception de ladite notification.
EN FOI DE QUOI, les représentants des deux Gouvernements, autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention et y ont apposé leur sceau.
FAIT en double exemplaire à Ottawa, ce 17ième jour de novembre 1988, en langues française et anglaise, les deux textes faisant également foi.
POUR LE GOUVERNEMENT DU CANADA
François Mathys
POUR LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Philippe Husson